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Bulletin Quotidien Europe N° 12263

27 mai 2019
Élections européennes - PE2019 / Pe2019
Un Parlement européen plus fragmenté
Bruxelles, 26/05/2019 (Agence Europe)

Les résultats (partiels) des élections européennes des 23 au 26 mai laissent apparaître un Parlement européen très divisé.

Si les chrétiens-démocrates du PPE et les sociaux-démocrates du S&D restent les deux groupes les plus importants, ils perdent chacun des voix et, à eux deux, n’ont plus la majorité absolue. Les groupes libéral ADLE et écologiste Verts/ALE gagnent, eux, des sièges. Comme attendu, les partis d’extrême droite gagnent du terrain, alors que l’extrême gauche est en net recul. 

Le PPE toujours en tête

Le PPE a remporté les élections en arrivant en tête avec un score provisoire de 179 sièges (23,83%). Même s’il reste le premier groupe, il pourrait perdre 38 sièges par rapport à la législature précédente où il avait 216 élus.

Mais la victoire a été difficile pour le PPE. « Nous avons perdu des sièges », a concédé l'Allemand Manfred Weber, le Spitzenkandidat de la famille chrétienne-démocrate.

Pour le Bavarois, « il n’y aura pas de majorité stable (au PE) sans le PPE » et il n'y aura pas non plus de positionnement du PPE vers l'extrême droite et les nationalistes.

En Allemagne, la CDU/CSU a, certes, fait des scores honorables et était créditée de 28,80%. Mais c’est un léger revers pour la formation, car elle perdrait 5 sièges par rapport à 2014, se situant à 29 sièges contre 34.

En Autriche, le parti ÖVP de Sebastian Kurz est sorti vainqueur du scrutin, visiblement épargné par l’Ibiza Gate, qui a emporté sa coalition. Son parti remporte même deux sièges de plus (7) qu'en 2014.

En Grèce, la Nea Demokratia a également remporté le scrutin avec 33% des suffrages, passant de 5 à 9 sièges.

Les résultats sont aussi bons pour le PPE en Bulgarie, qui reste premier dans ce pays avec 7 sièges (comme en 2014). Même chose pour le Fidesz de Viktor Orbán, qui a obtenu 52% des suffrages, même si rien ne dit qu’il restera dans la famille PPE.

Mais c’est en France que la déroute est la plus cinglante. Les Républicains sont arrivés en 4ème position avec 8,3% des suffrages. Ils pourraient n'obtenir que 7 députés contre 20 actuellement.

Si le contingent de députés polonais devait s’élever à 18 députés, en légère baisse de 4 sièges par rapport à 2014, en Italie, Forza Italia arriverait en 4ème position avec 9,8% des voix.

En Espagne, le Parti populaire arriverait deuxième et remporterait 12 sièges contre 17 en 2014.

Le S&D en recul

La situation du groupe S&D est identique à celle du PPE: moins de sièges qu’avant, mais toujours la même position. Selon une estimation publiée aux petites heures du lundi 27 mai, le S&D perdrait 35 sièges par rapport à la précédente mandature (150 contre 185), mais conserve néanmoins sa deuxième position dans l’hémicycle, derrière le PPE.

Les pertes les plus importantes sont enregistrées en Italie (-13 sièges), en Allemagne (-12 sièges), au Royaume-Uni (-7 sièges) et en France (-7 sièges). Pour l’Italie et la France, ce revers s’explique par un glissement vers l’extrême droite, la Lega de Matteo Salvini et le Rassemblement national de Marine Le Pen. En Allemagne, c’est tout le gouvernement d’Angela Merkel qui est sanctionné, au profit d’une vague verte.

Globalement, le S&D perd des sièges dans onze États membres. Il reste stable dans cinq pays et progresse dans huit autres.

Outre une belle progression aux Pays-Bas (+3 députés), le pays du candidat tête de liste du parti PSE, Frans Timmermans, le S&D enregistre sa seule vraie progression en Espagne. Après sa victoire aux législatives, le PSOE de Pedro Sánchez remporte 20 sièges au Parlement européen, ce qui lui assure un tiers des sièges espagnols.

« C’est une fierté, une opportunité et une responsabilité », a réagi M. Sánchez sur Twitter. « Nous travaillerons pour une alternative progressiste, sociale-démocrate et de gauche contre les politiques d’austérité. Une Europe sociale qui protège et redistribue », a-t-il poursuivi.

M. Timmermans a immédiatement lancé un appel aux autres groupes progressistes pour concevoir un « programme qui réponde aux rêves, aux aspirations et aux craintes des citoyens, pour une véritable politique progressiste », excluant de facto l’extrême droite (EUROPE 12263/2). 

L’ALDE en forte progression

Les Libéraux sont, avec les Verts, les grands vainqueurs de ces élections, avec 38 députés supplémentaires, passant de 69 sièges à 107 sièges.

En début de soirée électorale, l’ALDE avait demandé à ce que les députés de la liste française de La République en marche,Renaissance’, et du parti roumain USR soient comptabilisés dans le groupe ADLE. Un choix gagnant, puisque ces partis représentent à eux deux 28 élus: 21 pour La République en marche et 7 pour la coalition 2020 USR + Plus Alliance. Cette annonce semble confirmer l’alliance attendue entre les partis de l’ALDE et le parti français du président Macron, La République en marche (EUROPE 12253/16).

« À la fin de cette nuit électorale, il sera clair que nous sommes le groupe pro-européen qui a vraiment gagné et nous allons utiliser cette force, nos sièges, pour promouvoir une Europe plus ambitieuse », a promis le président du groupe, Guy Verhofstadt, après la publication des premiers résultats.

Le Belge a aussi vu son groupe politique en faiseur de rois européen. « Ce soir est un moment historique, car il va y avoir un nouvel équilibre du pouvoir au PE », a-t-il expliqué. Et désormais, selon lui, « aucune majorité pro-européenne solide n’est possible sans la participation de notre nouveau groupe centriste, composé de la famille ALDE, de Renaissance et d’autres partis réformistes ».

La France devrait représenter le plus gros contingent de députés du groupe avec 21 membres, soit 14 de plus que dans le Parlement actuel, devant le Lib-Dem britannique (16 sièges contre 1 actuellement) et loin devant la Roumanie (7 contre 6 actuellement), l’Espagne (8 comme actuellement) et l’Allemagne (7 contre 4 jusqu’à présent).

Le groupe libéral voit aussi l’arrivée de nouvelles délégations avec deux Hongrois, deux Polonais et deux Slovaques.

Cependant, malgré ces bons résultats, plusieurs délégations perdent des membres, notamment la Belgique (-2), le Portugal (-1) et les Pays-Bas (-1) et le groupe perd sa délégation italienne (-1).

Avancée des écologistes

Du côté des familles écologistes, l’heure était aussi à la fête. Alors que le groupe Verts/ALE était composé de 52 eurodéputés dans le précédent Parlement, les projections du Parlement européen faisaient état, vers 2h30 lundi matin, d’une progression de 18 députés soit 70 membres. Les projections du Parti vert européen tablaient sur une cinquantaine de députés il y a un peu plus de deux mois (EUROPE 12208/17).

C’est en Allemagne que le score du parti Grüne a été le plus remarqué, avec 20,70% des votes exprimés. Il devrait envoyer 22 députés au PE. En France aussi, le score a surpris, puisque le parti Europe écologie-les Verts a obtenu 13,13% des suffrages, soit 12 élus, alors que les sondages créditaient le parti de moins de 10% d’intentions de vote.

« Nous voulons remercier les électeurs et, tout spécialement, bien sûr, les électeurs qui ont clairement demandé du changement […] pour une nouvelle Europe: une Europe qui combat le changement climatique, une Europe qui se tourne vers une transition verte d’une manière socialement juste, une Europe qui se bat pour l’État de droit », a déclaré le Néerlandais Bas Eickhout, l’un des deux co-Spitzenkandidaten du Parti vert européen.

« Cela fonctionne d’avoir une vision positive pour l’Union européenne », s’est, quant à elle, félicitée l’autre co-Spitzenkandidat, l'Allemande Ska Keller.

Poussée des extrêmes moins importante que prévu

Le groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL), qui rassemble les partis d’extrême droite et avait mis plus d’un an après les élections européennes de 2014 à se former, va passer de 37 à 58 sièges. Une augmentation, certes, mais pas le raz-de-marée annoncé.

Les dernières projections du PE en avril (EUROPE 12239/23) prévoyaient un total de 63 sièges pour le groupe ENL. Il n’en gagne finalement qu’une vingtaine et devient le sixième groupe du PE.

En Italie, la Lega, emmenée par le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, a raflé 28,70% des voix. C’est le parti qui enregistre le plus grand bond, passant de 5 à 24 sièges.

Le Rassemblement national (RN) français, arrivé en tête en France avec 23,54%, gagne 22 sièges. Un score néanmoins inférieur à 2014, lorsque le parti, appelé à l'époque Front national (FN), avait obtenu 24,86% des voix, soit 23 sièges.

D'après la tête de liste du RN, Jordan Bardella, le peuple français a désavoué l’Union européenne telle qu’elle existe, laquelle doit « désormais réorienter radicalement sa politique économique, sociale et migratoire ». Il a estimé que la poussée des alliés de l’Europe des Nations en Europe ouvrait la voie à la constitution « d’un groupe puissant au sein du PE » pour promouvoir « le bon sens au pouvoir ».

Marine Le Pen, en position inéligible sur la liste à la 78ème place sur 79, a, quant à elle, salué une « victoire du peuple » en faveur du « Mouvement de la future alternance ».

En Belgique, le Vlaams Belang a obtenu une réelle poussée avec 11,53% des voix, soit 3 sièges cette année, contre 4,26% en 2014.

En Autriche, le scandale Ibiza Gate (EUROPE 12258/18), qui a déstabilisé le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) et provoqué la chute de la coalition gouvernementale avec le Parti populaire autrichien (ÖVP), ne semble pas avoir découragé ses électeurs. Le parti a obtenu 17,20% des voix (3 sièges), soit une légère baisse par rapport à son score en 2014 (19,72%, 4 sièges).

Le SPD tchèque a, quant à lui, obtenu deux sièges (7,50%).

Aux Pays-Bas, en revanche, la victoire annoncée de l’extrême droite et des populistes n’a pas eu lieu. Le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders perd trois sièges et n’en garde qu’un seul.

À noter que le parti espagnol Vox fait son entrée au PE et obtient 3 sièges (6,21%) et le parti estonien EKRE obtient un siège (12,70%). Si les leaders de l’ENL se sont largement affichés avec les dirigeants de ces deux partis, ils ne sont pour l’instant pas comptabilisés au sein du groupe ENL. 

Début avril, les représentants de la Lega, de l’AfD allemande, qui appartient au groupe ELDD, des Vrais Finlandais et du Parti populaire danois, qui appartiennent au groupe CRE, ont annoncé leur collaboration en vue de former un grand groupe politique (EUROPE 12231/7).

L’ELDD progresse

Avec 56 sièges contre 42 en 2014, le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) se situe derrière les groupes ENL et conservateurs (CRE), mais pourra se targuer de ses très bons résultats au Royaume-Uni. Le Brexit Party de Nigel Farage (ex-Ukip) obtiendrait en effet 29 sièges, soit 31,71% des suffrages.

Du côté du Mouvement 5 étoiles italien, avec 20,1% des suffrages et une troisième position en Italie, le mouvement emmené par Luigi Di Maio ne parviendrait pas à former un plus grand groupe européen, selon les médias italiens.

En Allemagne, l’AFD est créditée de 11 sièges contre 1 en 2014.

Les conservateurs en baisse

Le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) fait partie des grands perdants de cette soirée électorale.

Dans le précédent Parlement européen, le CRE était composé de 77 députés, soit le troisième groupe en ordre d'importance de l’assemblée européenne. Il perdrait 19 élus, soit 58 parlementaires. Si ces chiffres sont confirmés, le groupe ne serait donc plus que la cinquième force politique, à égalité avec les europhobes de l’ENL.

Si les conservateurs polonais (PiS) enregistrent une hausse (22 députés contre 14 dans la législature précédente), les Belges de la N-VA perdent un député alors que les conservateurs allemands n’auront plus de représentants au prochain PE.

Surtout, c’est la délégation britannique qui enregistre la plus grosse perte. Elle comptait en effet 19 représentants lors de la législature précédente et ils ne sont plus que 4 aujourd’hui. « En nombre de sièges, notre groupe va pâtir de la sortie prévue du Royaume-Uni de l'UE », a indiqué Hans-Olaf Henkel au nom du groupe CRE.

M. Henkel, qui avait un temps brigué la nomination de Spitzenkandidat face au Tchèque Jan Zahradil (EUROPE 12136/11, 12103/11), a rejeté toute alliance avec l'extrême droite afin de gonfler les rangs du groupe CRE. Interrogé sur la possibilité que le parti Fidesz du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, rejoigne le rang des eurosceptiques, M. Henkel a critiqué certaines mesures prises en Hongrie par le gouvernement hongrois sans pour autant assimiler le parti Fidesz à l'extrême droite. Il reviendra au parti hongrois et aux dirigeants du groupe CRE de décider de former une alliance, a-t-il dit.

La GUE/NGL en forte baisse

Grosse déconvenue pour le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne et de la Gauche verte nordique. Le groupe est passé de 52 à 38 députés européens, avec les plus grosses pertes en Espagne (5 élus contre 10 auparavant), en Allemagne (5 élus contre 8 auparavant) et en Italie (aucun élu contre 3 auparavant).

« Nous n’avons pas eu les résultats espérés. Nous allons essayer de mieux communiquer à l’avenir sur nos priorités, le social et le climat, et nous allons continuer notre travail », a déclaré le candidat tête de liste de l'extrême gauche, le Belge Nico Cué.

Ce syndicaliste de la métallurgie peut toutefois se réjouir de voir son parti, le Parti du travail de Belgique, envoyer son tout premier eurodéputé à Strasbourg.

Le groupe GUE/NGL gagne également un siège supplémentaire en France, pour atteindre 6 députés. La Grèce envoie également 6 députés. Aucun autre État membre n’envoie davantage de représentants de la gauche unitaire. (La rédaction)